Les pensées épeurantes du post-partum

Les pensées épeurantes du post-partum

Je suis presque convaincue qu’en tant que parent vous avez déjà eu des pensées épeurantes au sujet de votre bébé.  Vous savez, des pensées que vous jugez être troublantes et inappropriées, et que vous n’oseriez jamais révéler.  Est-ce que je vous prends par surprise? Sachez que ce phénomène est beaucoup plus courant que vous pourriez le croire.  C’est un tabou dont il faut discuter et c’est le sujet de cet article.

(Vous pouvez lire l’article ci-dessous ou regarder la vidéo dans laquelle je partage le contenu de cet article.)

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Une mère tient dans ses bras son bébé qui est endormi.  Elle réalise pleinement la tâche énorme qu’est celle de prendre soin de son nouveau-né.  Elle fait de son mieux pour assurer son bien-être et elle souhaite tout ce qu’il y a de mieux pour lui.  Et puis tout d’un coup, des pensées affreuses traversent son esprit :  Et si je m’endormais sur le sofa avec mon bébé dans mes bras et que celui-ci mourrait étouffé? Elle décide alors d’aller le déposer dans son lit.  En montant les escaliers, elle pense soudainement échapper son bébé sur la céramique en bas des escaliers. Elle l’imagine mort sur le coup.  Elle est horrifié (e)! Ces pensées lui font peur, la trouble et elle a de la difficulté à s’en débarrasser.  Elle se sent mal et coupable d’avoir eu des pensées abominables de la sorte.  Elle ne comprend pas d’où elles proviennent puisqu’elle ne souhaite aucunement faire du mal à son enfant.  Elle se dit qu’un bon parent ne peut pas penser comme cela envers son bébé.  Elle n’ose pas parler de ses horribles pensées à qui ce soit.  Elle se dit : Et si l’on pensait que je ne suis pas une bonne mère et que je ne suis pas apte à m’occuper de mon bébé convenablement? 

Cette histoire vous interpelle?  Vous avez déjà eu des pensées semblables? Rassurez-vous.  Ces pensées tournées autour d’un événement terrible souvent en lien avec votre bébé sont un phénomène extrêmement commun pour les nouveaux parents autant pour les mères que pour les pères. Karen Kleiman, une travailleuse sociale clinicienne, co-auteure du livre This isn’t what I have expected et auteure du nouveau livre Good moms have scary thoughts mentionne que presque toutes les mères et presque tous les pères ont des pensées indésirables à propos de leur bébé.  En effet, d’après une étude qu’elle cite de Jonathan Abramowitz, 91% des nouvelles mères et 88% des nouveaux pères rapportent des pensées obsessionnelles sur leur bébé.  C’est donc presque tous les nouveaux parents!  Vous n’êtes donc pas seul (e)!  Et non, vous n’êtes pas un mauvais parent si vous avez ce type de pensées. 

Alors en quoi consistent ces pensées épeurantes exactement? Les pensées épeurantes sont décrites comme étant des pensées anxieuses, non désirées, répétitives, négatives, perturbatrices et/ou intrusives qui peuvent troubler les nouveaux parents.  Elles peuvent provenir de nulle part et apparaître à n’importe quel moment.  Elles peuvent prendre la forme de pensées comme par exemple : Pourquoi ai-je voulu ce bébé?  Je crois que mon bébé ne m’aime pas.  D’images (imaginer son bébé noyé dans le bain, imaginer son bébé mort dans son lit) ou même d’impulsions (Et si je prenais mon oreiller et étouffais mon bébé? Qu’arriverait-il si je mettais mon bébé dans le four?).  Si vous avez des pensées épeurantes semblables à celles-ci, vous êtes sûrement d’accord pour dire qu’elles provoquent de la détresse car elles ne correspondent pas à la façon dont vous, comme parent, pensez habituellement et qu’elles sont tout à fait à l’opposé de qui vous croyez être comme parent.  C’est pourquoi elles peuvent vous faire ressentir de la honte et de la culpabilité et que cela peut vous amener à juger sévèrement, à tort, vos compétences parentales. 

Or sachez que les pensées épeurantes ne sont pas une indication de psychose même si vous pouvez vous sentir comme si la folie s’emparait de vous.  En effet, puisque ces pensées sont associées à un haut niveau de détresse et qu’elles vous font peur, cela veut dire qu’elles sont causées par l’anxiété et ne sont donc pas des pensées psychotiques.  De ce fait, vous ne passerez pas à l’action.  En effet, vos pensées ne sont pas associées à des actions vous amenant à faire du mal à votre bébé.  Au contraire, vous sentez plus que jamais que vous devez protéger ce dernier.  Votre anxiété par rapport à vos pensées est un bon signe qu’elles ne sont pas psychotiques et que vous savez faire la différence entre une bonne et une mauvaise action.

Mais alors, d’où viennent ces pensées épeurantes? Votre cerveau, en tant que parent, est programmé pour prendre soin de votre enfant et prendre les mesures nécessaires pour le garder en sécurité. Il est dans un état d’alerte élevé depuis la venue de votre bébé.  Or vous êtes aussi dans une situation plus vulnérable étant donné votre manque de sommeil, les changements hormonaux, le stress associé à cette nouvelle transition et probablement votre sentiment d’être dépassé par les événements.  Peut-être avez-vous également une prédisposition génétique à l’anxiété.  Tous ces facteurs peuvent vous faire sentir plus anxieux ou anxieuse et vous rendre plus vulnérable à expérimenter des pensées épeurantes.   

Que faire si vous avez des pensées épeurantes et que cela vous dérange?  Parlez-en à quelqu’un en qui vous avez confiance, une personne qui vous fait sentir en sécurité et qui ne vous jugera pas.  Le fait de briser le silence dans une atmosphère de confiance réduit l’anxiété.  Et, selon Kleiman, quand l’anxiété est réduite, les pensées épeurantes diminuent également. C’est aussi une façon de réaliser que vous n’êtes pas la seule personne qui a des pensées épeurantes et cela, c’est réconfortant. 

Les pensées épeurantes sont un symptôme commun de dépression du post-partum ou d’anxiété mais elles peuvent aussi apparaître en l’absence de ces diagnostics.   L’essentiel à retenir c’est que ce n’est pas le contenu spécifique des pensées épeurantes qui est nécessairement le problème mais comment vous vous sentez avec ces pensées et comment vous y réagissez.  En effet, ces dernières peuvent faire apparition dans votre quotidien sans pour autant vous empêcher de vaquer à vos occupations habituelles.  Une pensée épeurante arrive, elle capte votre attention sur le moment, mais vous passez ensuite à autre chose et vous continuez votre journée normalement.  Toutefois, si vos pensées épeurantes vous causent un haut niveau de détresse à un point tel que vous êtes obsédé(e) par celles-ci et que vous n’arrivez plus à fonctionner normalement, c’est là où ça devient un problème.  C’est alors le temps d’en parler avec un professionnel de la santé qui pourra déterminer avec vous le type de support ou de traitement qui vous conviendra le mieux. N’hésitez pas à aller chercher de l’aide. Je tiens à ajouter que si votre souffrance est insupportable, que vous et/ou une personne proche de vous êtes très inquiet de la façon dont vous vous sentez ou vous comportez, que vous avez des pensées suicidaires, allez chercher de l’aide professionnelle immédiatement. 

Pour finir, si vous lisez en anglais, je vous recommande ce livre de Karen Kleiman : Good Moms Have Scary Thoughts (Les bonnes mamans ont des pensées épeurantes). C’est une ressource remarquable qui vient en aide aux mères, aux partenaires et aux familles vivant une transition qui n’est pas facile avec un bébé.  On y retrouve des informations précises et adaptées à la réalité des mamans, de nombreux dessins représentant des paroles et des pensées de mères qui visent à lutter contre la stigmatisation et des exercices simples et concrets qui ont pour but d’aider les mamans à commencer à se sentir mieux.  Je vous encourage à vous le procurer. 

Références:

Karen R. Kleiman and Valerie Davis Raskin, This Isn’t What I Expected: overcoming postpartum depression

Karen Kleiman and Amy Wenzel, Dropping the Baby and Other Scary Thoughts: Breaking the Cycle of Unwanted Thoughts in Motherhood

Karen Kleiman, Good Moms Have Scary Thoughts: A Healing Guide to the Secret Fears of New Mothers

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